|
Une activité-midi accueille le capitaine (retraité) Denis Couture
Dans le cours d’Éthique et culture religieuse, plusieurs thèmes sont abordés pour conscientiser les élèves à de nombreuses situations qui se vivent près et loin d’eux et où les injustices de toutes sortes sont criantes...
L’indice de développement humain
Au début de l’année, Josée Lamère, enseignante de quatrième secondaire, a donné comme travail à ses élèves de présenter un pays et son « IDH », c’est-à-dire l’indice de développement humain, en le comparant au Canada. C’était une occasion pour les jeunes, généralement très gâtés, de réaliser que ce qu’ils ont n’est pas le « strict minimum » pour survivre, comme ils aiment parfois à le faire croire... Les élèves choisissaient le pays qu’ils auraient à présenter en pigeant au hasard...
Une élève a pigé la Sierra Leone, où l’IDH est réellement très faible, et lors de sa présentation en classe, elle a montré des photos de ce pays... Voilà qui n’est pas monnaie courante... Curieuse de savoir d’où venaient les photos, Josée a appris qu’elles avaient été prises par le beau-père de l’élève, ancien Casque bleu... Voilà qui n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde...
La tolérance
Plus récemment, le cours d’ECR a abordé le thème de la tolérance; les génocides, en particulier, ont été regardés comme étant la plus grande forme d'intolérance qui soit. Bien sûr, il a été question de la Shoah, terme qui signifie « la pire catastrophe possible » (le mot « holocauste », longtemps utilisé, a été mis de côté, car il signifie « sacrifice joyeux », ce qui ne correspondait pas à la réalité).
Pour aborder ensuite un exemple plus récent, la question du Rwanda est abordée, cet affrontement incroyable qui, en moins de cent jours, a causé plus de 800 000 morts... Les élèves assistent au visionnement du film J'ai serré la main du Diable, tiré du récit livré par le général Dallaire. « Ce film, explique Josée, est juste assez cru pour impressionner les élèves et garder leur attention, mais pas trop pour que ça ne soit pas présentable en classe. Les élèves sont sidérés devant la cruauté humaine et la bêtise des bureaucrates qui n'ont pas fait grand-chose pour apaiser la crise. Ils comprennent aussi que tout n'est pas noir ou blanc, que c'est plein de zones grises : on n’est pas ‘bons’ ou ‘méchants’. »
La Déclaration universelle des droits de l’homme
Le choix de ce film présentant le général Dallaire conduit au prochain thème : les gens qui défendent les droits de la personne : « Le général Dallaire est un héros à mes yeux, un gars pour qui la Déclaration des droits de l’homme est applicable au quotidien. »
Les élèves étudient donc la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui stipule, dès le premier article, que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Déjà, en ayant vu les drames des génocides, tous se rendent bien compte que cette déclaration n’est pas respectée partout, loin de là... Et le sujet est – malheureusement – on ne peut plus d’actualité cette année avec tout ce qui se trame en Tunisie, en Égypte, en Libye...
Le passage se fait donc, en classe, vers les gens qui luttent pour que soient respectés les droits de chacun. Le cas de Louise Arbour (photo ONU), par exemple, qui a été à la tête du Tribunal international qui a jugé les participants au génocide au Rwanda pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, fait le lien entre J’ai serré la main du diable et les droits de l’humanité. D’autres dictateurs déchus ou en voie de l’être seront aussi bientôt jugés pour le même genre d'horreur, ce qui rend le sujet encore plus d'actualité.
Le travail des élèves, cette fois, est de présenter diverses personnes qui, à diverses époques et dans divers lieux, ont défendu ces droits fondamentaux, parfois au prix de leur vie... Voici quelques-unes des personnalités proposées par l’enseignante – les connaissez-vous?
Martin Luther King, Bono, Louise Arbour, Jésus, Nojoud Nasser (divorcée à 10 ans, mariage forcé, violence, etc.), Craig Kielberger, Michel Chartrand, Desmond Tutu, Nelson Mandela, Therese Casgrain, Naomi Bronstein, Henry Morgentaler, Peter Benenson (Amnistie Internationale), le Dalaï-Lama, Pops, Shirin Ebadi, Liu Xiabo (Nobel de la paix), Aung San Suu Kyi (Birmanie), Mgr Romero...
Le but de l’exercice est de présenter, fictivement, la candidature de la personne choisie pour le Prix des droits de l’homme des Nations unies (un prix qui existe vraiment et qui est décerné chaque année par l’ONU « aux personnes ou associations qui ont accompli un travail remarquable pour protéger ou promouvoir les droits de l’homme » [ONU]; Louise Arbour a d’ailleurs obtenu le prix en 2008). Lorsque tous les élèves auront fait la présentation d’une personnalité devant la classe, le groupe votera pour savoir qui remporte le prix en se basant sur tous les arguments et faits entendus.
Pour découvrir la Déclaration universelle des droits de l’homme, consulter : http://www.un.org/fr/documents/udhr/
UN « HÉROS ORDINAIRE »...
Josée Lamère souhaitait que les élèves aient la chance de rencontrer quelqu'un « d'ordinaire » – par opposition au général Dallaire que tout le monde connaît –, quelqu’un qui croit à la paix et qui est prêt à y vouer sa vie, malgré le monde de violence dans lequel on vit. Tout le monde, en parole ou en pensée, est pour la paix..., mais rien ne se ferait jamais s’il n’y avait des gens avec assez de courage pour la défendre concrètement, là où elle est le plus menacée!
D’où le bonheur de faire la connaissance du capitaine (retraité) Denis Couture, ancien Casque bleu – celui qui avait fourni des photos de la Sierra Leone au début de l’année... À l’invitation de Josée, Denis a accepté de venir rencontrer les élèves pendant une période de dîner, le 25 février 2011. Il avait préparé à leur intention un diaporama, dont nous tirons quelques photos et informations. Il leur a raconté ses expériences, avec chaleur, honnêteté et sensibilité, et a répondu à toutes leurs questions...
Qu’est-ce qu’un Casque bleu?
« Casque bleu, explique Denis, est le nom employé pour désigner un soldat qui œuvre dans le cadre d’une opération de paix conduite sous l’égide des Nations unies ». Les soldats peuvent être hommes ou femmes, mais celles-ci ne peuvent participer à une mission dans un pays où la situation de la femme est difficile. Pour que les Casques bleus se rendent dans un pays, il faut d’abord que ce pays en fasse la demande aux Nations unies.
Le rôle des Casques bleus est donc de maintenir une paix souvent fragile, mais aussi, bien souvent, d’imposer la paix; toutefois, ils ne doivent jamais prendre parti. Ses armes sont rarement celles qu’on pourrait imaginer – voici la liste fournie par Denis :
-
compréhension de la source du conflit;
-
tolérance et patience;
-
négociation;
-
opinion publique (rapporter les faits);
-
règles d’engagements pour utiliser la force;
-
et finalement les armes (si on est armé !!!).
C’est donc un travail qui demande tout un tempérament... Les soldats assistent à toutes sortes de scènes, souvent très difficiles, et ils ne peuvent pas toujours intervenir physiquement ou de façon armée... Évidemment, les missions d'imposition de la paix impliquent habituellement davantage d'interventions armées, mais autrement, les Casques bleus essaient de négocier sans armes afin de régler le fond du conflit plutôt que d'établir seulement un calme temporaire.
Le plus grand cadeau pour un Casque bleu est de revenir de sa mission en vie, d'embrasser sa famille et de savoir que son action a été utile; savoir qu'il y a des gens qui sont toujours vivants, que des familles sont réunies grâce à son action...
Ses divers engagements
Au départ, Denis était militaire, membre de l’armée canadienne. Sa première expérience avec les Casques bleus ne fut pas un choix personnel, puisque tout son bataillon a été envoyé en Croatie (ex-Yougoslavie), en 1995. La mission consistait à aider à tracer la ligne de frontière entre la Serbie et la Croatie.
Cinq ans plus tard, il a librement choisi de se joindre à une mission en Sierra Leone, laquelle a duré six mois, et en 2004-2005, il a participé à une dernière mission en Égypte. En Sierra Leone, la guerre civile a duré de 1991 à 2002; l’origine du conflit est le contrôle des zones diamantifères – d’où l’importance, a expliqué Denis, de ne pas acheter de diamants, puisqu’on ne peut savoir s’ils proviennent de ce pays... Cette guerre a causé la mort de 100 000 à 200 000 personnes et plus du tiers de la population a dû être déplacé...
Sur le terrain
Au cours de ses deux dernières missions, mais particulièrement en Sierra Leone, Denis a vu des choses atroces... : des gens aux mains coupées ou autrement mutilés parce qu’ils avaient voté contre le gouvernement, des enfants soldats, des cadavres, des cadavres et encore des cadavres... Il a participé à des échanges de réfugiés... et à des échanges de cadavres. Il s'est fait tirer dessus, il a dû tirer lui aussi et il a eu peur d'y rester à plusieurs reprises.
Il a vécu dans des conditions de vie difficiles : isolement, rationnement alimentaire, absence d'électricité... Il a illustré concrètement un aspect de la vie des militaires en présentant leur menu quotidien :
Le cuisinier... |
Déjeuner (7 h 30 – 8 h 30) :
-
Entre 0 et 2 œufs (selon la ponte des poules), cuits dans l’huile de palmier;
-
1 sardine (pas toute la boîte!);
-
1 tranche de KAM (genre de pâté de jambon en conserve) aussi mince que possible pour que tout le monde puisse en avoir;
-
2 petits pains avec confiture;
-
thé, café ou eau filtré et bouillie.
Dîner (14 h – 15 h) et souper (19 h – 20 h) :
-
riz blanc;
-
morceaux de poulet avec les os (pas du poulet de grain!);
-
dessert : bananes ou oranges;
-
thé, café ou eau filtrée et bouillie. |
Les suites
Âgé aujourd’hui de 38 ans, Denis est retiré de la vie militaire, car, comme bien d’autres soldats, il a souffert du « Syndrome de choc post-traumatique »... Il en est guéri maintenant, mais l'armée ne renvoie jamais en mission des gens qui en ont souffert, de crainte que ce grave malaise ne se manifeste à nouveau en pleine mission. Denis a donc quitté le monde militaire, trouvant trop pénible de voir d’autres soldats partir en mission alors que lui était obligé de demeurer au pays.
Il aimerait tant partir à nouveau... Ainsi sont faits les héros...
Marie Douville, avec la collaboration de Josée Lamère Dam'dou rédaction - conception
|